top of page
hémicycle IBM 1987 Buffi

L’empreinte du poids lourd mondial de l’informatique à Roubaix

     IBM est créé en 1911 par la réunification de 3 entreprises américaines sous le nom de "CTR Computing-Tabulating-Recording Company". Son domaine de prédilection avant la seconde guerre mondiale était la fabrication de tabulateurs. Ce n’est que dans les années 1940 qu’IBM se projette dans l’informatique avec le projet Mark 1 en 1944. Ainsi, elle a pu s’imposer sur le marché de l’informatique lors des 30 glorieuses en participant aux plus grandes aventures de l’informatique; avec par exemple le projet Fortran, l’innovation du disque dur ou encore le lancement de système avec des logiciels interchangeables : le Système/360. IBM est l’image parfaite d’une entreprise à forte ambition. En effet, seulement 3 ans après sa création, elle décide de s’internationaliser. Cela commença par la France. C’est dans cette période économique très prospère et très favorable que le Géant de l’informatique songe à assoir sa position en France et plus précisément dans la Région du Nord-Pas-De-Calais. Mais comment l'éléphant de l’informatique s’est-il retrouvé au beau milieu du tissu industriel du Nord, à Roubaix ?

 

1987 : le Numéro 1 mondial de l’informatique s'implante à Roubaix

Une implantation mûrement réfléchie

    C’est vers la fin des années 1970 (et début des années 1980) qu’IBM envisage de s’implanter dans le nord de la France. C'est une période économique prospère et la firme décide d’améliorer son image en France. Elle s'intéresse rapidement à un espace verdoyant entretenu par la famille Motte (grande famille industrielle du Nord-Pas-de-Calais) entre les communes de Croix et de Roubaix. De plus, cette situation géographique place IBM au plus près de ses clients et ceci dans un endroit déjà très industrialisé, ce qui lui permet d'accroitre son image de marque.

 

    Il faut dire que ce n’est pas dans l’habitude d’IBM de choisir ses sites d’implantation au hasard. L'entreprise y attache la plus grande importance. Le choix final se fait par une instance dépendant de la direction mondiale : IBM World Trade. Mais ce choix ne se limite pas à l’image qu’elle veut donner d’elle. Ce choix profite aussi à la politique commerciale de la société en pleine expansion. D’après Monsieur M. Blandin (directeur délégué Nord-Normandie), le site de Roubaix-Croix répond particulièrement à 2 critères :

 

  • Une installation qui est au cœur de la zone commerciale la plus forte en « valeur machine », les plus grosses entreprises du Versant Nord-Est de la métropole et même de la région y sont concentrées. L’enseigne s'implante à proximité de Roubaix-Tourcoing : une position stratégique qui concentre les très grosses entreprises dont les plus informatisées et en particulier celles du secteur de la Vente Par Correspondance comme La Redoute, Les 3 Suisses…

 

  • Un cadre environnemental très riche et très spacieux. Entre un terrain de 8,5 hectares aux arbres centenaires d’une beauté insoupçonnable et un élégant parc public, le Parc Barbieux. Un cadre environnemental aussi plaisant satisfait IBM dans le but d'attirer les hauts cadres à venir travailler dans leur entreprise. D'ailleurs, les travaux du bâtiment central n’ont pas commencé avant une soigneuse protection du patrimoine environnemental de l’ancien terrain de Mr Eugène Motte.

 

    Ces deux critères sont essentiels pour comprendre le choix d'IBM. L'aspect stratégique de son implantation est un élément important à prendre en compte. La société se heurte à de véritables défis : il a fallu que la « Big Blue » attire ses collaborateurs dans le Nord de la France. Pour ce faire, elle décide de bâtir une structure innovante, imposante et accueillante dans un cadre exceptionnel pour faire venir ses ingénieurs-chercheurs à Roubaix.

Une empreinte marquée par une installation à haute valeur ajoutée

Manoir Gréber avant le rachat

Manoir Gréber avant le rachat

Photo prise avant le rachat de la propriété par IBM. Le manoir est en mauvais état d'où l'hésitation d'IBM à le restaurer. Photo : Archives de Croix (Mébarek Serhani)

Détail de la façade du manoir

Détail de la façade du manoir

Malgré cela, il fut restauré. Il est la contribution de son architecte Jacques Gréber au style Anglo-Normand. Photo : Archives de Croix (Mébarek Serhani)

Manoir Gréber dans sa perpective

Manoir Gréber dans sa perpective

"La façade principale est composée de 5 travées dont la travée centrale munie d’un balcon et surmontée d’une lucarne imposante témoigne du caractère ostentatoire de cette riche demeure" Photo : Archives de Croix (Mébarek Serhani)

Porte d'entrée du manoir

Porte d'entrée du manoir

Cette maison est construite sur 3 niveaux : un rez-de-jardin construit en briques, un étage à pan de bois et briques en épi ainsi qu’un étage de comble. Photo : Archives de Croix (Mébarek Serhani)

Maison plate

Maison plate

Cette maison se situait à l'actuelle position de l'hémicycle et fut détruite lors de sa construction. Son jardin fut aménagé par Russel Page. Photo : Archives de Croix (Mébarek Serhani)

Vue aérienne de Croix (1976)

Vue aérienne de Croix (1976)

10 ans avant la fin des travaux IBM. La "maison plate" se situe au sein du parc au centre de la photo. Le manoir Gréber est plus bas avec sa pièce d'eau et sa roseraie (forme circulaire plus à gauche) Photo : Missmap

    IBM s’est installé en voulant préserver au maximum le cadre verdoyant déjà en place. Mais ce ne fut pas simple.

 

    Il a d’abord fallu que tous les descendants de la famille Motte, concernés par l’indivision du site, acceptent la vente soit « Au moins 30 signatures à réunir » d'après Monsieur Philippe Motte, arrière-petit-fils d’Eugène Motte. Aussi, IBM voulait un terrain qui permette l’accès à Roubaix afin que l'adresse soit Roubaisienne. En effet, Roubaix est alors mondialement connue entre autres pour le commerce de la laine alors que Croix l’est beaucoup moins. Mais le quartier étant un quartier résidentiel, il a fallu faire changer le plan d’occupation des sols. Ce fut possible grâce au soutien de la CUDL, de la mairie de Croix et de Roubaix.

 

    Commencée en 1985, la construction s’achève en 1987. Un cadre d’IBM fut même détaché à plein temps pour suivre les travaux et résoudre les problèmes rencontrés.

 

     Le parc fut parfaitement protégé durant les travaux. Durant toute son occupation des lieux, la compagnie employait 2 jardiniers à plein temps pour entretenir le parc très prisé par l'entreprise.

 

    La remise en état du manoir Gréber fit débat au sein d'IBM. Il faillit disparaître car certains ne voulaient pas le rénover en raison des coûts de de rénovation importants. Néanmoins, le manoir fut préservé afin de conserver une trace historique sur le site. Mais ce ne fut pas le cas de la "maison plate" et de son jardin dessiné par Russel Page qui se situaient à l'endroit de la construction.

 

    Les arbres ont été protégés et mis en valeur. Certaines espèces ont même été replantées. Une fois le manoir rénové, il fut transformé en lieu de séminaires. À la recherche d'une image hors du commun, IBM chercha à faire cohabiter l'ancien et le nouveau pour faire de ce lieu un lieu de travail exceptionnel et même la plus belle Terrasse de la métropole.

 

    Dans l'optique d'apporter une attention particulière à ce simple cadre, au départ un terrain familial, IBM s'engage dans un réel défi : la construction d'un édifice audacieux.

Un bâtiment ambitieux : l'hémicycle de verre

    Le bâtiment construit par IBM est un hémicycle de 18 mètres d’épaisseur et de 180 mètres de large, déployé entre les arbres et traversé par une lame de pierre. Ce bâtiment est l’une la pièce maîtresse du site.

 

    « Nous nous sommes promenés dans le site avec J-P. Buffi » (l'architecte qui s'occupait du projet d'IBM). « En une heure, il a fait une esquisse qui m’a sidéré. Elle ne ressemblait en rien à ce que l’on nous avait proposé. Le plan était trouvé.» s’émerveillait Denis Cottenet (directeur délégué d’IBM Nord de l’époque).

 

    « En découvrant le grand parc, j’ai recherché, avant toute considération fonctionnelle, le dispositif spatial qui puisse mettre en tension l’édifice et son environnement. Dans un site non bâti, l’édifice doit pouvoir exister comme un objet urbain à part entière, grâce à l’expressivité et à la clarté de ses formes, à la compréhension claire de ses articulations et à l’identification de l’entrée ». J-P Buffi.

 

    Pour créer cette tension, l’architecte conçoit un bâtiment en hémicycle. « Cette forme pure et abstraite, ouverte mais créant ses propres vis-à-vis internes, installe un rapport dynamique avec le paysage « naturel ». En même temps, la large courbe enveloppe l’espace de la clairière en pente douce dans une vaste respiration » Buffi. Ainsi, le bâtiment est conçu comme un objet qui ordonne le paysage.

 

    « Le bâtiment a trouvé sa place naturellement dans l’endroit le moins planté, où il respectait les plus beaux arbres ». L'entrée sur la face concave fait découvrir le mur et sa surface en paroi de verre collé (structural glazing) comportant des fenêtres ouvrantes. « C’était en France le premier bâtiment avec une façade en verre dont les fenêtres s’ouvraient » D.Cottenet. La face convexe quant à elle, a été moulé sur place avec du béton de marbre poli.

 

    La peau de l’édifice est conçue pour une très grande clarté et flexibilité d’usage. Le bâtiment est partagé entre bureaux traditionnels et open-space. « Les seuls points durs sont les blocs de service et la résille porteuse de façade ». L’entrée était logée dans la rotonde. Condensant la lumière zénithale, elle servait de rotule de distribution vers les différents bureaux. À l’intérieur, les circulations provoquées par la courbe du bâtiment créent des espaces à taille humaine car il n’y avait pas de perspectives lointaines.

 

    IBM désirait un siège innovant. Elle s'efforce alors de se démarquer et d'édifier un bâtiment à son image : original, innovant et fonctionnel. L'esprit campus était déjà présent dans ses projets.

 

Pour un esprit campus déjà recherché qui contribue au rayonnement de Roubaix dès son inauguration

   Le 15 septembre 1987, la ville de Roubaix est mise sous le feu des projecteurs : l'inauguration grandiose réunit plus de 1 000 personnalités éminentes dont, fait rare, le Ministre de la Justice de l’époque M.Chaladon.

 

   C’est un bâtiment innovant qui est inauguré dans une terre fertile et fleurissante. Cette propriété est bien plus qu’un cadre agréable, elle est surtout appropriée à un travail efficace. Les centaines de chefs d’entreprises présents lors de l’inauguration ont été subjugués par la modernité de la structure mais surtout par la forme originale en Hémicycle, peu commune en France. Riche en verdure, c'est le décor qui attire aussi l'attention des invités. Durant cette période, chaque jour, les journaux publient  des articles à propos de l’implantation d’IBM à Roubaix. IBM devient l’acteur clé du moment, participant au rayonnement de la ville mais aussi de la région du Nord-Pas-De-Calais. Le bâtiment a même été retenu par des Japonais pour tourner une publicité de voiture !

 

   Au final, ce site est bien plus qu’une implantation tant pour la firme que pour la Région : il s'agit d'une vitrine de son savoir-faire et de ses capacités. Cet acteur va remodeler les terres du nord et créer un véritable partenariat pour implanter l’informatique dans le tissu industriel très dense.

 

     Cependant, au fil des ans, l'utilisation du siège évolue et son importance diminue. La firme fait face au déclin industriel de la région au début des années 1990. IBM profite de ces changements pour se relancer et cède ainsi la place à l’un de ses clients : la Caisse d’épargne. C’est en 1998 que la Caisse d’épargne hérite du petit joyau construit par IBM.

© 2014 by SurLesTracesDuCampus.

 

bottom of page